Études de cas

La réception de l’ouvrage peut être tacite

Mise en ligne décembre 2022

Construction

La réception de l’ouvrage est une condition pour mobiliser la garantie dommages-ouvrage. Elle peut être caractérisée même en l’absence de procès-verbal de réception.

Étude de cas

En 2010, des époux ont acquis une maison en l’état futur d’achèvement auprès d’un promoteur immobilier. Celui-ci avait souscrit auprès du même assureur un contrat responsabilité civile décennale en tant que constructeur et un contrat dommages-ouvrage au bénéfice des futurs acquéreurs.

En 2020, avant l’expiration du délai décennal, les époux ont constaté des désordres qu’ils ont déclarés à l’assureur. Dans le cadre de la responsabilité décennale, la société d’assurance a soutenu qu’il incombait au souscripteur du contrat – le promoteur – de déclarer le sinistre. Or, celui-ci, ayant été placé en liquidation judiciaire, ne l’avait pas fait.

S’agissant du contrat dommages-ouvrage, l’assureur a opposé aux époux bénéficiaires de la garantie, une règle proportionnelle car il reprochait au souscripteur de ne pas avoir transmis le procès-verbal de réception de l’ouvrage.

En effet, le contrat prévoyait que l’omission ou la déclaration inexacte du souscripteur était sanctionnée par la réduction de l’indemnité en proportion du taux de la cotisation payée par rapport au taux de la cotisation qui aurait été due si les risques avaient été complètement déclarés.

En matière d’assurance responsabilité décennale, le maître de l’ouvrage (propriétaire de la maison) bénéficie du mécanisme de l’action directe de l’article L.124-3 du Code des assurances[1] pour actionner directement l’assureur de responsabilité civile décennale du constructeur assuré responsable de façon à bénéficier de la garantie décennale souscrite. Les époux étaient donc bien fondés à déclarer le sinistre auprès de l’assureur de responsabilité civile décennale du promoteur, même si celui-ci était en liquidation judiciaire.

Concernant le contrat dommage ouvrage, la réception des travaux est définie comme « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve […]. Elle est […] prononcée contradictoirement » (article 1792-6 du Code civil). La Cour de cassation[2] retient toutefois la notion de « réception tacite ». Ainsi, la prise de possession accompagnée d’un paiement de l’essentiel du prix permet de constater la volonté de recevoir l’ouvrage. Ainsi, l’assureur ne pouvait pas opposer aux bénéficiaires de la garantie, en présence d’une réception tacite de l’ouvrage, l’absence de remise du procès-verbal de réception de l’ouvrage par le promoteur.

Solution

L’ouvrage ayant été livré, après paiement de l’intégralité du prix du bien par les époux, en décembre 2011, ils ont donc emménagé en janvier 2012, ce qui caractérise une réception tacite de leur maison.

Parallèlement l’assureur, ayant accepté d’indemniser les époux moyennant l’application d’une règle proportionnelle de prime, a renoncé à contester cette réception tacite de l’ouvrage.

La condition de la réception de l’ouvrage étant remplie, les époux ne pouvaient donc pas se voir opposer par l’assureur dommage ouvrage une règle proportionnelle de prime.

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La notion de « réception tacite » permet, dans les cas où la remise d’un procès-verbal de réception est impossible, de justifier de la réception de l’ouvrage. La prise de possession accompagnée d’un paiement caractérise la volonté de recevoir tacitement l’ouvrage.

Les maîtres de l’ouvrage peuvent bénéficier, par une action directe contre l’assureur du constructeur responsable, des garanties de ce contrat, même lorsque le souscripteur est en liquidation judiciaire.


[1] « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (…) » (C. assur., art. L.124-3).

[2] Cass. 3ème civ.,18 avril 2019, n° 18-13-734.

Voir aussi